samedi 29 décembre 2012

ST-JUSTIN-LES-FÊTES

 
Vous ne connaissez peut-être pas St-Justin. C’est probablement l’une des plus petites municipalités du Québec.  Il s’agit d’un petit village d’à peine 1000 âmes, bordé de vallons profonds, de champs et de vaches. Il y a également une lumière qui clignote pour ralentir la circulation au dessus de la seule intersection du village. St-Justin n’est pas juste une municipalité rurale et une eau minérale naturelle que l’on puise à cet endroit. Pour moi St-Justin c’est d’incroyables souvenirs du nouvel  An chez ma grand-mère maternelle.
 

Comme le veut la tradition, on arrive assez tôt chez elle pour le dîner. Au menu : ragoût de boulettes, patates bouillies, betteraves et traditionnelle tourtière. Pendant que les belles-sœurs respectives aident ma grand-mère à la cuisine, les beaux-frères parlent de politique et du but gagnant de la veille de Larry Robinson. Durant le repas, on installe une « table à cartes » pour les enfants. On parle fort et on rit fort. On détache sa ceinture pour se libérer l’estomac et on demande une 2 ième assiettée au grand bonheur de la cuisinière.
Le téléphone sonne au milieu de l’après-midi. C’est ma tante Irène. Elle nous attend. On fait chauffer la voiture. On habille les « p’tits ». Les hommes s’apportent une p’tite O’Keefe pour boire en chemin.  Mon oncle Pierre, qui semblait déjà  un peu « chaudasse », enfile de peine et de misère son manteau d’hiver….
Tout le monde est prêt! On part faire la grande tournée!
-Maman ? Est-ce qu’on va chez ‘’matante’’ Jacqueline?  lui ai-je demandé.
- Non. On va au dépanneur de ‘’matante’’ Irène avant. Jacqueline c’est plus tard.
- Euh….est-ce que c’est sûr qu’on va chez Jacqueline…?
-Oui…Oui… dit-elle en m’enfonçant ma tuque à pompon.
Dans l’auto, ‘’mononcle’’ Pierre souffle dans son harmonica et invente des chansons à répondre qui n’existe pas… On rit de ses folleries, puis on remarque une chose étrange qui dépasse de son manteau au niveau de sa nuque : Le crochet du cintre… Conclusion : ‘’mononcle’’ Pierre n’était  pas un « peu chaudasse », il était plutôt  « très chaudasse » en ce début d’après-midi.
Le désavantage qu’une famille entière demeure sur le même rang  est que les autos n’ont même pas le temps de se réchauffer  qu’elles sont déjà arrivées à destination. Dans les années 50, ma tante Irène était propriétaire d’un petit restaurant qui avait été transformé dans les années 70 en dépanneur de village où elle ne vendait que des cigarettes et des boissons gazeuses.  Elle était gentille comme tout cette grande tante. À chaque année, elle me disait toujours la même chose en me froissant la tête.
 - T’es donc bien beau! C’est effrayant comme tu as grandi…  Va dans la glacière, je te paie un chips et une liqueur.
Je n’avais pas tout à fait le temps de terminer mon Denis aux fraises et mon Yum Yum sel et vinaigre que tout le monde commençait déjà à se rhabiller.
 - Maman est-ce qu’on va chez Jacqueline maintenant?
-Non pas tout de suite. On va aller souhaiter la bonne année à ‘’mononcle’’ Roger avant. Jacqueline c’est plus tard je t’ai dit.
Je grogne un peu, car j’ai de bonne raison d’être excité d’aller chez Jacqueline. Je dois faire preuve de patience. Mon bonheur viendra…
Les voitures se suivent à la file indienne. On sillonne les rangs enneigés. On lutte contre les vents et la poudrerie qui souffle.  Les autos ont de la de la difficulté à se réchauffer, contrairement à ‘’mononcle’’ Pierre qui ne semble pas avoir trop de problème sur le sujet… On est nombreux à arriver chez Roger. On klaxonne pour signaler notre arrivée. On crie à tour de rôle la bonne année en entrant dans la maison en se secouant les pieds.’’Matante’’ Lilianne nous offre du fudge et du sucre à la crème pendant que ‘’Mononcle ‘’ Roger sort le gros fort.
- Un p’tit Gin avant d’aller chez Jacqueline? lance t-il tout heureux de la visite qui vient d’arriver.
Le temps d’un verre ou deux, puis c’est déjà l’heure de partir. En route vers chez Jacqueline!
 - YEAH!!!!!
La maison de ‘’matante’’ Jacqueline était comme le point de rencontre de toute la famille. La destination finale d’une journée entière de tournée, mais également le début d’une longue soirée animée et festive où la musique et les rencontres chaleureuses étaient aux rendez-vous.
Mais le plus délicieux des moments était  toujours lorsque nous arrivions chez elle.
Aussitôt arrivé dans le portique de la maison, mon regard se mettait à la recherche de quelqu’un en particulier à travers la multitude de cousin et cousines qui courraient dans la maisonnée.
Je dois préciser à ce moment de l’histoire que, pour un p’tit gars de 7 ans, une grande cousine de 15-16 ans c’est très impressionnant. Très.
Elle est là! Je la vois au loin dans le salon! Mon cœur se met à battre très fort. J’ai des étourdissements. Qu’est-ce qui m’arrive? Est-ce que j’aurais trop bu de Denis aux fraises?  Elle m’aperçoit et sourit à ma vue. Elle vient à ma rencontre. Merde, je suis décoiffée. Qu’est-ce qu’elles ont toutes ces « matantes » à me froisser la tête..! Vite je dois replacer ma séparation au milieu. Elle approche. Elle est là. Ça y est, je paralyse.
-T’es donc bien beau! C’est effrayant comme tu as grandi… Viens me donner un « bec »!
Je dois préciser à ce moment de l’histoire que, pour p’tit gars de 7 ans, se faire donner un bec par sa grande cousine de 15-16 ans ça décoiffe plus qu’une douzaine de ‘’matante’’ en ligne qui  t’ont pas vu depuis 20 ans…
C’est le moment où  tout le monde est appelé au sous-sol. Ti-Paul sort son violon. On tape du pied. On joue de la cuillère. On danse. On gigue. On rit.  On rit surtout de Pierre qui a gardé son manteau et qui fait semblant d’être accroché au mur par le foutu cintre….
Plus tard dans la soirée, la fumée de cigarette qui flottait à raz-de-plafond était si incommodante qu’il fallu que j’aille me réfugier dans la chambre d’amis. Le seul endroit où l’on pouvait changer d’air et prendre une bouffée d’air frais. C’est à cet endroit également que l’on avait mit sur le lit tous les manteaux des invités dans lesquels on pouvait se rouler pour sentir les parfums de chacun (et rêvasser évidemment dans celui de la grande cousine…)
- Maman? Quand  est-ce qu’on s’en va ?
- Mais t’es donc effrayant… Tu m’as achalée toute la journée pour venir ici… maintenant qu’on est arrivé… tu veux partir… va donc t’amuser avec tes cousins.
En fait, ce que ma mère ne savait pas, c’est que le moment de partir était tout aussi attendu car c’était le moment où j’avais droit à un deuxième « bec »!
Bonne année 2013 à tous!


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