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Vous ne connaissez peut-être pas St-Justin. C’est
probablement l’une des plus petites municipalités du Québec. Il s’agit d’un petit village d’à peine 1000
âmes, bordé de vallons profonds, de champs et de vaches. Il y a également une
lumière qui clignote pour ralentir la circulation au dessus de la seule
intersection du village. St-Justin n’est pas juste une municipalité rurale et
une eau minérale naturelle que l’on puise à cet endroit. Pour moi St-Justin
c’est d’incroyables souvenirs du nouvel An
chez ma grand-mère maternelle.
Comme le veut la tradition, on arrive assez tôt chez elle
pour le dîner. Au menu : ragoût de boulettes, patates bouillies, betteraves
et traditionnelle tourtière. Pendant que les belles-sœurs respectives aident ma
grand-mère à la cuisine, les beaux-frères parlent de politique et du but gagnant
de la veille de Larry Robinson. Durant le repas, on installe une « table à
cartes » pour les enfants. On parle fort et on rit fort. On détache sa
ceinture pour se libérer l’estomac et on demande une 2 ième assiettée au grand
bonheur de la cuisinière.
Le téléphone sonne au
milieu de l’après-midi. C’est ma tante Irène. Elle nous attend. On fait
chauffer la voiture. On habille les « p’tits ». Les hommes s’apportent
une p’tite O’Keefe pour boire en chemin. Mon oncle Pierre, qui semblait déjà un peu « chaudasse », enfile de
peine et de misère son manteau d’hiver….
Tout le monde est prêt! On part faire la grande tournée!
-Maman ? Est-ce qu’on va chez ‘’matante’’ Jacqueline? lui
ai-je demandé.
- Non. On va au dépanneur de ‘’matante’’ Irène avant. Jacqueline c’est plus tard.
- Euh….est-ce que c’est sûr qu’on va chez Jacqueline…?
-Oui…Oui… dit-elle en m’enfonçant ma tuque à pompon.
Dans l’auto, ‘’mononcle’’
Pierre souffle dans son harmonica et invente des chansons à répondre qui
n’existe pas… On rit de ses folleries, puis on remarque une chose étrange qui
dépasse de son manteau au niveau de sa nuque : Le crochet du cintre…
Conclusion : ‘’mononcle’’ Pierre
n’était pas un « peu chaudasse »,
il était plutôt « très chaudasse »
en ce début d’après-midi.
Le désavantage qu’une famille entière demeure sur le même
rang est que les autos n’ont même pas le
temps de se réchauffer qu’elles sont déjà
arrivées à destination. Dans les années 50, ma tante Irène était propriétaire
d’un petit restaurant qui avait été transformé dans les années 70 en dépanneur
de village où elle ne vendait que des cigarettes et des boissons gazeuses. Elle était gentille comme tout cette grande tante.
À chaque année, elle me disait toujours la même chose en me froissant la
tête.
- T’es donc bien
beau! C’est effrayant comme tu as grandi… Va dans la glacière, je te paie un chips et
une liqueur.
Je n’avais pas tout à fait le temps de terminer mon Denis aux fraises et mon Yum Yum sel et vinaigre que tout le
monde commençait déjà à se rhabiller.
- Maman est-ce qu’on va chez Jacqueline maintenant?
-Non pas tout de suite. On va aller souhaiter la
bonne année à ‘’mononcle’’ Roger
avant. Jacqueline c’est plus tard je t’ai dit.
Je grogne un peu, car j’ai de bonne raison d’être excité
d’aller chez Jacqueline. Je dois faire preuve de patience. Mon bonheur viendra…
Les voitures se suivent à la file indienne. On sillonne les
rangs enneigés. On lutte contre les vents et la poudrerie qui souffle. Les autos ont de la de la difficulté à se
réchauffer, contrairement à ‘’mononcle’’
Pierre qui ne semble pas avoir trop de problème sur le sujet… On est nombreux à
arriver chez Roger. On klaxonne pour signaler notre arrivée. On crie à tour de
rôle la bonne année en entrant dans la maison en se secouant les pieds.’’Matante’’ Lilianne nous offre du fudge
et du sucre à la crème pendant que ‘’Mononcle
‘’ Roger sort le gros fort.
- Un p’tit Gin avant d’aller chez Jacqueline? lance
t-il tout heureux de la visite qui vient d’arriver.
Le temps d’un verre ou deux, puis c’est déjà l’heure de
partir. En route vers chez Jacqueline!
- YEAH!!!!!
La maison de ‘’matante’’
Jacqueline était comme le point de rencontre de toute la famille. La destination
finale d’une journée entière de tournée, mais également le début d’une longue
soirée animée et festive où la musique et les rencontres chaleureuses étaient
aux rendez-vous.
Mais le plus délicieux des moments était toujours lorsque nous arrivions chez elle.
Aussitôt arrivé dans le portique de la maison, mon regard se
mettait à la recherche de quelqu’un en particulier à travers la multitude de
cousin et cousines qui courraient dans la maisonnée.
Je dois préciser à ce
moment de l’histoire que, pour un p’tit gars de 7 ans, une grande cousine de
15-16 ans c’est très impressionnant. Très.
Elle est là! Je la vois au loin dans le salon! Mon cœur se
met à battre très fort. J’ai des étourdissements. Qu’est-ce qui m’arrive?
Est-ce que j’aurais trop bu de Denis aux
fraises? Elle m’aperçoit et sourit à
ma vue. Elle vient à ma rencontre. Merde, je suis décoiffée. Qu’est-ce qu’elles
ont toutes ces « matantes »
à me froisser la tête..! Vite je dois replacer ma séparation au milieu. Elle
approche. Elle est là. Ça y est, je paralyse.
-T’es donc bien beau! C’est effrayant comme tu as grandi… Viens
me donner un « bec »!
Je dois préciser à ce
moment de l’histoire que, pour p’tit gars de 7 ans, se faire donner un bec par
sa grande cousine de 15-16 ans ça décoiffe plus qu’une douzaine de ‘’matante’’ en
ligne qui t’ont pas vu depuis 20 ans…
C’est le moment où tout le monde est appelé au sous-sol. Ti-Paul
sort son violon. On tape du pied. On joue de la cuillère. On danse. On gigue.
On rit. On rit surtout de Pierre qui a
gardé son manteau et qui fait semblant d’être accroché au mur par le foutu
cintre….
Plus tard dans la soirée, la fumée de cigarette qui flottait
à raz-de-plafond était si incommodante qu’il fallu que j’aille me réfugier dans
la chambre d’amis. Le seul endroit où l’on pouvait changer d’air et prendre une
bouffée d’air frais. C’est à cet endroit également que l’on avait mit sur le
lit tous les manteaux des invités dans lesquels on pouvait se rouler pour sentir
les parfums de chacun (et rêvasser évidemment dans celui de la grande cousine…)
- Maman? Quand est-ce
qu’on s’en va ?
- Mais t’es donc effrayant… Tu m’as achalée toute la journée
pour venir ici… maintenant qu’on est arrivé… tu veux partir… va donc t’amuser avec
tes cousins.
En fait, ce que ma mère ne savait pas, c’est que le moment
de partir était tout aussi attendu car c’était le moment où j’avais droit à un
deuxième « bec »!
Bonne année 2013 à
tous!
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